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“Micro-parlement des espaces naturels” : quand le vivant se lance en politique !

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“Micro-parlement des espaces naturels” : quand le vivant se lance en politique !
Alban Leduc
8/2/2024

Intégrer la voix du monde vivant dans les décisions locales, c’est le projet porté depuis deux ans par l’agence de design “Vraiment Vraiment” et l’association “Démocratie ouverte”. La dernière étape de construction de ce “micro-parlement” avait lieu à Paris début février. La Corneille y était.

“Fermez les yeux et imaginez-vous dans un espace naturel. Pensez à une espèce et essayez de rentrer en contact avec elle.” Éparpillés aux quatre coins d’une salle aux murs emplis d’affiches, post-it et slogans, une trentaine de participants suivent les paroles de l’animatrice les yeux fermés. Une expérimentation en forme de méditation pour tenter d’interagir avec les “autres qu’humains”.

Cet atelier animé à Paris début février est l’une des dernières étapes de conception du “Micro-parlement des espaces naturels”. Une initiative pilotée par l’agence de design “Vraiment Vraiment” et l’association de participation citoyenne “Démocratie Ouverte”. L’idée : mettre au point un protocole pour impliquer le monde vivant et la biodiversité dans les politiques locales. En clair, si une ville souhaite construire des logements ou une zone d’activité, des habitants pourraient se charger de représenter l’intérêt des sols, des oiseaux ou des amphibiens, la plupart du temps ignorés. Des instances permanentes composées d’ambassadeurs du vivant pourraient même à terme être imaginées. Si le collectif a déjà défini le fonctionnement général de cette nouvelle institution, la question de savoir comment représenter l’intérêt des non-humains reste l’une des plus prégnantes.

Créer une boîte à outils pour représenter le vivant

La méditation testée ce jour-là pourrait-elle devenir un jour un moyen de permettre à la biodiversité de s’exprimer ? “J’ai vu un cloporte qui me disait de laisser les feuilles mortes à terre”, raconte une participante à la fin de l’expérience. “C’était hyper conflictuel, je me suis fait piquer”, partage une autre, après sa rencontre avec une abeille.

“Je ne dis pas que c’est la vérité”, rappelle Christine Kristof, l’animatrice de l’atelier. “Mais ça permet de sortir de notre manière de faire habituelle et de donner la possibilité à des idées d’advenir”.

Christine Kristof propose des atelier de "connexion à la nature" avec l'association Animaterra. © Alban Leduc / La Corneille

Proposer des guides sur le terrain, des audios de différents acteurs au sujet d’une espèce, ou des exercices pour se mettre à leur place… “l’idée est aussi de réfléchir à ce que l’on pourrait mettre dans une trousse à outils, destinée aux futurs ambassadeurs du monde vivant”, détaille Louis Augereau designer chez “Vraiment Vraiment”.

Conseils municipaux des enfants, syndicats ou encore jurés d’Assises, les participants se sont mis d’accord pour s’inspirer des structures qui existent déjà pour représenter des groupes d’humains aux intérêts différents. Alors que sur le climat, la majorité des Français attendent des mesures fortes de l’Etat ou des instances internationales, la biodiversité se pratique d’abord au niveau local. Selon un sondage IFOP de 2022, ils sont ainsi 82% à réclamer qu'une plus grande attention soit portée à la faune et à la flore lors de l’implantation d’infrastructures de transport et d’énergie. Des attentes en contradiction totale avec les dernières annonces du gouvernement pour tenter de calmer la colère des agriculteurs. Délais de recours réduits, accélération des procédures et création d'une "présomption d'urgence” pour les projets agricoles ou d’“industrie verte”, le temps des processus démocratiques est aujourd’hui remis en question.

Un laboratoire politique

Le projet, lancé il y a deux ans avec le soutien de la Banque des territoires, souhaite au contraire accompagner un renouveau démocratique. Sous la forme d’un laboratoire politique, huit experts de la démocratie, des sciences cognitives ou du design accompagnent le processus pour valider ou non ses orientations. “Il nous manque simplement des spécialistes de la biodiversité”, regrette Amandine Ilolo, chargée de mission citoyenne à "Démocratie Ouverte". L’initiative s’inscrit dans l’esprit du ”buen vivir”, un concept inscrit dans la constitution de plusieurs Etats d’Amérique du Sud, insistant sur le principe d'une relation harmonieuse entre l’humain et la nature. Elle s’inspire également du “Parlement des choses”, imaginé par Bruno Latour pour donner un porte-parole à chaque espèce essentielle à l’humanité, et pioche des idées dans des structures existantes telles que le Parlement de la Loire ou l’Assemblée populaire du Rhône. En recherche de financements et de premières collectivités volontaires pour expérimenter le programme, les porteurs de projet espèrent mettre au point le mode d’emploi définitif du “microparlement” d’ici mars.

Les participants planchent sur le nom et les thèmes que pourrait aborder le micro-parlement. © Alban Leduc / La Corneille

Lier les préoccupations du quotidien à la biodiversité

En attendant, il reste encore beaucoup à faire. Tout l’après-midi, différents ateliers se forment pour plancher sur le nom à donner à la démarche ou réfléchir aux sujets que ces micro-parlements pourraient aborder.

De la sécurité, au pouvoir d’achat, les participants mettent un point d’honneur à lier la biodiversité avec les préoccupations des “français moyens”. “Passer du temps en nature pour permettre d’améliorer la santé”, propose ici une participante. “Créer des régies publiques de l’agriculture”, expose un autre. “Il faudrait montrer que des choses qui semblent s’opposer sont en fait liées”, synthétise le groupe, comme une résonance du débat sur l’opposition entre écologistes et agriculteurs dans le débat public.

Pour ne pas tomber dans la caricature d’écolos déconnectés de la réalité, tous essaient d’appuyer sur l’inclusivité du processus de décisions. “Il faudrait pouvoir offrir un repas gratis pour attirer les gens”, avance un groupe. “Oui, mais certains risquent de venir que pour ça, sans vouloir participer”, nuance un autre. “L’important reste que chacun puisse se sentir libre de venir participer sans avoir besoin d’un quelconque bagage intellectuel ou social”, se mettent-ils tous d’accord.

Les participants identifient des sujets du quotidien en lien avec la biodiversité. © Alban Leduc / La Corneille

Au fur et à mesure des discussions, des brainstormings, et débats, le fonctionnement du micro-parlement se précise. “Je n’avais rien compris pendant les premières sessions en visio, c’est ce qui m’a fait venir”, raconte Myrto, designeuse spécialisée dans l’expérience utilisateur. “Mais là, on réfléchit ensemble, c’est une bonne démarche.”

Plutôt se focaliser sur les espèces ou les espaces ? Quels dispositifs de délibération préférer ? ou encore, quelle place attribuer aux élus ? De nombreuses questions restent en suspend pour proposer un cadre complet aux collectivités. Le groupe mise sur la délibération collective pour pouvoir bientôt les trancher et espère trouver de nombreux relais pour diffuser ses idées.

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