“Les maths c’est bien, mais connaître la différence entre papillon et libellule aussi”
Aux travers d’entretiens portraits, découvrez les 1001 manières de concilier votre métier avec la préservation de la biodiversité. Dans cette interview, suivez le quotidien de Clément Pignon, chargé de mission Natura2000 et zones humides.
Pourrais-tu nous raconter comment est venue ta passion pour l’écologie ?
J’ai toujours aimé la nature, notamment le végétal. J’étais intéressé par le paysagisme. J’ai fait un Bac technologique en alternance, et beaucoup de stages par la suite : en tant que pépiniériste ou au Muséum National d'Histoire Naturelle, par exemple. Ça m'a permis de savoir ce que j’aimais faire ou non.
En quoi consiste ta journée type ?
Je n’ai pas de journée type, vraiment pas ! Mon emploi du temps tourne autour de l’animation de deux sites Natura 2000 [une catégorie d'aire protégée créée par l'Union européenne NDLR]. La démarche consiste à accompagner les acteurs des territoires dans la prise en compte des enjeux environnementaux : faire venir des naturalistes pour améliorer les connaissances scientifiques, communiquer sur les enjeux environnementaux et les bonnes pratiques à adopter pour les préserver et accompagner les agriculteurs et les particuliers dans l’évolution des pratiques de gestion.
J’occupe mon poste dans une intercommunalité. C’est une vraie force, car l’objectif est de répondre aux besoins du territoire avec des élus impliqués qui ont envie de faire avancer les choses. La diversité des compétences de la collectivité permet de prendre en compte tous les aspects d’un projet, économique, écologique, touristique, …
As-tu l’impression d’être utile ?
Je suis satisfait de mon poste. Bien sûr, je me demande toujours si je ne voudrais pas faire autre chose, c’est humain, je crois. Le dispositif Natura 2000 connaît des hauts et des bas, il met du temps à se déployer sur un territoire et les moyens ne sont pas toujours au rendez-vous. La démarche reste sincère, peu contraignante et plutôt bien intégrée par les acteurs du territoire, donc c’est rassurant et ça me rend confiant.
"Comment protéger quelque chose qu’on ne connaît plus vraiment ?"
Quels obstacles rencontres-tu ?
Globalement, aujourd’hui, je pense identifier deux gros obstacles. La réglementation environnementale existe en France, mais les moyens pour la faire appliquer sont trop limités. On peut vraiment se poser la question : pourquoi établir des règles si on ne les applique pas ? C’est un peu mission coloriage… Et deuxièmement, ce qui me fait le plus peur, c'est la déconnexion de nous tous à la nature. Notre mode de vie évolue et on est moins dehors. C’est très difficile de capter les gens et de les sensibiliser aux enjeux environnementaux. Comment protéger quelque chose qu’on ne connaît plus vraiment ? Notre rythme de vie est très - peut-être trop - rapide. Il faudrait qu’on arrive à le calmer et mieux réfléchir ensemble à des projets et à leurs impacts.
As-tu un conseil, un apprentissage, une anecdote en lien avec ton engagement pour le vivant à partager ?
Il me revient l’image du projet de BTS que j’avais fait à Lamballe. Une année, on a observé une très forte mortalité d’amphibiens sur une route, la route a même fermé. Ça avait été très contraignant et fait des remous de tous les côtés. À l’échelle d’un site et de la Bretagne, on a protégé des animaux des activités humaines, donc tout est possible !
Ça devrait être la norme de parler de ces sujets. Les maths, c'est bien, mais connaître la différence entre papillon et libellule aussi. Comprendre une zone humide est aussi importante que d’autres enseignements. Avant les gens étaient connectés à la nature, aujourd’hui plus du tout, on ne connaît même plus les fruits et légumes de saison. C’est fou, mais aussi motivant, car à notre échelle et ensemble, on pourrait faire changer les choses !